L’écriture d’un moment de cirque comprend plusieurs phases qui s’échelonnent au long du cycle d’EPS dans ce qu’on appelle le « processus de création ».
En général ce processus est décrit selon différentes phases plus ou moins schématisées selon le modèle suivant :
- Improvisation et 1ers choix
- Enrichissement
- Composition et choix décisifs
- Appropriation
- Répétition et ajustement des choix
- Présentation
1 / L’improvisation
Elle n’a rien d’aléatoire, ne vient surtout pas d’une phrase du type : « je mets de la musique et vous faites ce que vous voulez avec vos balles », ou « construisez une phrase gestuelle autour de la boule … » ou encore « choisissez un thème et … » sans consignes complémentaires.
L’énoncé de propositions et de règles par l’enseignant est premier et s’appuie souvent sur des formulations concrètes.
L’enseignant définit, pose des contraintes : par exemple, « Vous êtes 4, vous avez 4 cadres :
- Il y en un dessous, un à côté, un dedans…
- J’en veux un debout de dos, un au sol, un à plat ventre , un assis…
Vous pensez bien à poser vos yeux quelque part. On ne bouge pas, après seulement, ça démarrera ».
La consigne impose de rechercher de nouvelles possibilités, de sortir des habitudes, des stéréotypes. Pour les élèves, les règles fixées, les contraintes, le cadre dans lequel ils évoluent, favorisent les réponses mais surtout s’avèrent indispensables à leur sécurité et leur investissement dans la tâche.
2 / L’enrichissement
Une fois les premiers choix réalisés, les réponses corporelles sont nuancées, alimentées par le jeu sur les paramètres du mouvement (espace, énergie, temps, relation avec les autres artistes). Les élèves guidés par l’enseignant cherchent à enrichir leurs réponses initiales en renforçant certains paramètres du mouvement, en épurant au maximum les gestes pour ne garder que ce qui est juste, nécessaire.
La variable temps/vitesse est prisée par les élèves mais les enseignants observent que la simple alternative vite/lent conduit à un travail approximatif et souvent lassant. A contrario, un travail sur l’extrême lenteur ou la très grande vitesse impose une décomposition, une précision chirurgicale qui métamorphose le geste.
Le travail sur l’espace est infini, espace corporel, individuel, proche, mais aussi espace scénique et cette dimension est souvent occultée.
Au cirque l’objet matérialise souvent l’énergie
3 / La composition
Au fil du cycle, les élèves vont progressivement réaliser des choix, abandonner certaines idées pour en mettre en valeur d’autres, en s’appuyant sur les modes et procédés de composition les plus pertinents par rapport au propos recherché.
Les modes de composition
En cirque, l’enseignant d’EPS s’appuie le plus souvent sur des modes de composition issus du monde musical ou du monde littéraire.
Le discours organisé est excessivement utilisé. Il reprend la classique forme scolaire de la dissertation avec introduction, développement en deux ou trois parties et conclusion. Il produit au final bien peu d’émotion. Spontanément les élèves utilisent aussi « l’A-B-A » qui reprend le schéma universel de la vie ou des mythes : naissance, vie, disparition-retour vers l’inconnu
Pour le monde musical, le couplet-refrain A-B-A-C-A-D appelle la régularité, l’organisation, la succession, le temps qui passe. Il est plutôt rassurant même s’il montre aussi la diversité, la différence. Il est très aisé à mettre en œuvre par exemple avec de jeunes élèves. Il donne souvent du rythme et de la gaîté au projet. Les élèves du groupe viennent présenter alternativement leurs séquences individuelles en jonglage, équilibre, acrobatie (sur les couplets) puis s’engagent dans des tableaux plus collectifs sur les refrains.
Le mode scénario est ainsi très commode à utiliser. On tourne des plans-séquences, parfois dans un ordre un peu improbable puis on assemble dans une logique significative pour le spectateur les différentes séquences en s’autorisant, pour mieux servir le parti pris, capter le spectateur, des flashbacks, des travellings accélérés, des contrechamps, des zooms, des arrêts sur image…
Les procédés de composition
Egalement issus des autres arts (arts plastiques, musique, littérature…), ils sont des moyens, des outils qui permettent par leur mise en œuvre de porter l’accent sur une image, un geste, d’interpeller le spectateur, de lui rappeler un signe, un sentiment.
- Répétition
- Unisson
- Cascade
- Addition
- Contrepoint
- Inversion
- Leit motiv
- Effet reverse..
Consignes de composition :
Une diagonale (de force)
Un objet tenu à l’identique mais alternativement droite et gauche
Une détermination visible dans la tonicité et l’énergie
Une cascade sur le ½ tour
4 / L’appropriation : l’émergence du thème , le choix de la musique
Quand le groupe a provisoirement écrit, structuré, organisé et mémorisé une première maquette, un « spécimen » en répondant aux contraintes posées par l’enseignant. Il est en mesure de « donner à voir ». Le regard des autres va alors renvoyer au groupe des avis, une impression : « quand vous faites ça… ça me fait penser à… », « là j’ai cru que… », « on dirait que… » ou encore : « là vous pourriez… » « et si vous… »…
Par les yeux des spectateurs, le projet se précise et des réaménagements, des arrangements sont suggérés qui s’appuient sur des règles de composition : « Au lieu de revenir plein centre en mono, tu pourrais peut être … » « et si aux assiettes, vous répétiez la 2ème fois en changeant juste… », « quand vous faites tous les quatre votre porter… »
De ces échanges, suggestions émergent chez les élèves, des convictions qui peu à peu finalisent le propos, font apparaître brusquement à la clarté, des options jusque là adoptées mais pas nécessairement conscientisées. Le thème se dégage.
Le regard extérieur met des mots, des idées, des sentiments, des états sur ce qu’il a vu. Il renvoie, réverbère aux élèves ce qu’il a perçu, ses impressions.
« quand vous vous en allez de tous les côtés et qu’il reste au milieu sur sa chaise avec son bâton du diable, on ressent la solitude, l’abandon, c’est dur… »
5 / La répétition
Cette phase de répétition est hélas souvent trop brève voire inexistante dans les cycles de cirque en EPS.
Elle permet de stabiliser, mais aussi faire émerger ‘interprétation
6 / La présentation
C’est le moment de fourmillement ultime. Le cadeau donné aux spectateurs.